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Ulrike Böhnisch

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PhotoS Taï-nui
Texte Elisabeth Schwartz
En résidence d’artiste actuellement à La Rochelle, Ulrike Böhnisch est allemande et vit à Marseille depuis sept ans car le climat y est bien plus doux que n’importe où ailleurs pour qui fuit le froid. Ça tombe bien, le climat de cette fin février 2018 est exceptionnellement glacial sur notre côte ! Mais heureusement, la chaleur humaine qui règne à Villeneuve-les-Salines compense.
Uli – c’est ainsi qu’elle se présente pour éviter que son prénom ne soit trop écorché – est réalisatrice, mais aussi médiatrice culturelle, animatrice audiovisuelle, coordinatrice, chargée de projet, bricoleuse… La liste est longue car c’est « un million de boulots différents que je fais au quotidien comme "professionnelle du film amateur", c'est ça de faire des films ! »

Mieux se connaître, c’est le titre de cette résidence. Et en effet, depuis ces quelques semaines passées ensemble dans le cadre de notre co-résidence d’artiste et de journaliste dans le quartier rochelais, on apprend à se connaître en accéléré. Imaginez toutes les fois où vous avez partagé des moments de vécu et d’intime, avec un(e) ami(e) pour qu’il ou elle devienne votre pote de cœur, condensées sur quelques mois, et la connaissance de l’autre qui en résulte. Ulrike est ainsi sur une période courte devenue quelqu’un qui compte, et la longueur du portrait qui suit (ndlr : clin d’oeil pour l’atelier Journal de Villeneuve : environ 28 000 signes !) résulte d’un véritable coup de foudre professionnel.

Uli est une professionnelle du film amateur, ou premier film. Avec des groupes d’enfants dès 8-9 ans, son rôle est de pouvoir « faire un film d'animation dans un temps record ». « Même avec les groupes qui travaillent le moins bien, qui ne prennent pas assez de photos, trois heures de travail de montage plus tard quand j’ai un petit film, je me dis : quand même, je suis forte ! »
Outre un sens de la pédagogie qui ressemble à de l’inné chez elle, Uli raisonne en artiste, ce qui donne leur valeur à tous ces premiers films co-créés avec des enfants ou des adultes : « Des premiers films remplis d’erreurs mais bourrés de charme aussi. »

uli

A Villeneuve-les-Salines, l’intervention d’Uli pendant deux mois et demi représentera au final la réalisation accompagnée – tournage, dérushage, montage – de huit films dont la plupart seront projetés le 30 mars prochain à la salle des fêtes de Villeneuve à 18h. Au programme de cette restitution ouverte à tous : un film d’animation par une classe de CM1 de l’école Condorcet, des interviews et mini-reportages par des collégiens de Fabre d’Eglantine, des sujets divers et variés – le rap, le street-art, l’art-thérapie, les jardins, … - menés par une vingtaine d’adolescents et d’adultes de tous âges, un aspect transgénérationnel voulu par Uli dans l’objectif de la résidence de mieux se connaître.
Il y aura aussi, tout au bout, son film à elle sur la résidence côté journal de quartier, diffusé en novembre 2018 pendant les Escales Documentaires, qui est loin d’être son premier film.

« Le premier que j’aie tourné et monté, j’avais 14-15 ans, c’était pour l’anniversaire d’une amie, il s’appelait « Une journée dans la vie de Christine G. », on demandait à tout son entourage ce qu’ils lui souhaitaient pour ses 16 ans. Je me suis collée au montage avec une copine, je nous revois entre deux magnétos, beaucoup de câbles au milieu, en train d’appuyer alternativement sur lecture et enregistrement… » Quelques quinze années plus tard, Uli maîtrise le montage et la post production audiovisuelle de A à Z, et concomitamment à la résidence de Villeneuve, elle travaille sur un autre prochain film : En secret..., un documentaire animé sur le thème des petites bêtises de l’enfance réalisé par et avec des CM1 de Port Saint Louis du Rhône - une petite ville isolée dans les Bouches du Rhône - qui interviewent des collégiens, lycéens, et des habitants divers de la ville. Une création dans le cadre d'une autre résidence (Résidence d'artiste Création en Cours en coopération avec Les Ateliers Médicis et la DRAC Paca) avec un volet transmission important, qui commence par du montage son. « Avec les réponses des lycéens et collégiens à la question posée par les primaires « quelle était ta pire bêtise d’enfance ? », on crée des boucles qui se laissent animer. Les enfants conçoivent ensuite l’univers visuel : ils sont libres d'animer n'importe quel objet tant que ça tient debout. Ma création personnelle est ce que j’ai réussi à élaborer avec eux. »

La reine de la débrouille, et une sacrée « tronche » !

La première fois qu’Hervé Aubin, animateur au Collectif des associations de Villeneuve – l’un des partenaires de ce projet Part’cours, et là merci de vous reporter à l’astérisque* tout en bas - m’a parlé d’Ulrike, c’était plutôt bien résumé : « Une fille super, avec qui La Rochelle a déjà travaillé (ndlr : dans le cadre d'une résidence d'artiste titrée Imagine la réussite mise en place par le FAR et la ville de La Rochelle avec les quatre centres sociaux de Villeneuve-les-Salines, Port-Neuf, la Pallice et Mireuil) du genre à débarquer avec sa voiture remplie d’ordis, de caméras et de matos. »
Car oui, avec Uli, il y a une importante facette logistique et organisation – arh, la rigueur allemande – qui me laisse admirativement pantoise moi qui ne me déplace qu’avec un cahier et un stylo, éventuellement une tablette qui fée office d’appareil photo. Il faut la voir avec ses sacs multiples, ses cinq ordinateurs, son vidéo-projecteur, ses cartons pleins d’objets à bricoler pour les animations, ses câbles, ses rallonges - « avoir ses propres rallonges VGA, c’est de l’or ! ». Pour chaque séance, selon l’étape du film, tout doit être rechargé, les cartes vidées, les sacs de matos préparés… Et il faut voir aussi comment elle fiche le pied de sa caméra à la place d’une selle de vélo pour effectuer un travelling. Il faut voir encore les indications à l’attention de ses stagiaires vidéo laissées sur le matos, l’étiquetage fléché pour que quiconque a envie de faire un film puisse le faire en autonomie. Eins, zwei, drei, c’est bordé.

uli

uli
Photo perso d'Uli, DR

« Je viens d’un petit village de l’Allemagne de l’Est, où il y a un proverbe qui dit « Convertis la merde en bonbon ». Dans la RDA communiste, ça voulait dire être inventif, et ce que tu n’as pas, fais-le toi-même. J’ai un décapsuleur fabriqué par mon père avec une vis fixée dans un pied de table ! J’ai gardé ça, le décapsuleur et l’esprit débrouille pour créer à partir de contraintes et de restrictions. »

La famille d’Ulrike est constituée de médecins joueurs d’échecs, elle est « programmée » pour être la première de sa classe pendant toute sa scolarité. On est en 1990. Dans le système d’études allemand, exceller à l’école permet, en gros, de faire ce qu’on veut ; en l’occurrence partir à l’étranger à 15 ans et demi.
Uli choisit l’Equateur, dont elle ne connaît ni la langue ni la culture. C’est du travail pour s’intégrer, mais a posteriori, elle analyse qu’ « à 16 ans on ne « réclame » pas son propre goût de la vie, on est encore assez jeune pour ne pas tout remettre en question et s’immerger ». Elle est accueillie dans une famille où il y a deux jeunes de son âge. Ils sont aujourd’hui comme son frère et sa sœur. « J’ai eu l’immense chance de tomber sur une famille qui me ressemble énormément - malgré nos différences. On a gardé une relation méga-intense », dit Uli dont les yeux d’un bleu aigue-marine se mettent à briller.

Cuenca, la ville où Uli habite alors est dans la montagne à 2500 mètres d’altitude. Elle est scolarisée dans un collège public de comptabilité, en uniforme comme tous les autres, un choix orienté par le réseau de sa famille d’accueil. « Des études de comptabilité, ce n’est pas le genre de décision que j’aurais prise toute seule, il m’a fallu deux bons mois pour comprendre ce que c’était la comptabilité. Mais c’est aussi pendant cette année-là que j’ai compris que je voulais faire des films. »
En effet, sur l’initiative d’un prof du collège, un système de micro-entreprises est mis en place : élevage de cochons d’inde, ou de truites, pizzeria… La micro-entreprise d’Uli sera d’élaborer un film sur l’ensemble du projet. « Et c’est là que j’ai découvert mon grand amour : le documentaire ; et le fait d’utiliser la caméra comme prétexte à aller à la rencontre de l’autre. »
Alors quand il s’agit de prendre le bus à 6h30 le matin pour monter à 4000 mètres filmer le groupe qui élève des truites, à 16 ans évidemment on a du mal à sortir du lit, il fait froid, tout ça… Mais Uli a un sens aigu du « je fée ce que je dis » : « T’es engagée, alors t’y vas quand même. » C’est une des plus belles expériences de sa vie, dont sort un film qui remportera quatre prix lors d’un festival intercollégial du cinéma : meilleur docu, meilleur court-métrage, meilleure réalisation, meilleure production. Uli est la star de la soirée, mais surtout son choix est fée : elle veut faire des films !

uli

Retour en Allemagne et à la réalité après cette expérience hollywoodienne. Ulrike a 17 ans, elle se la pète un peu, plutôt sûre d’elle et bien affirmée après son année passée à l’étranger. Elle s’inscrit au ciné-club de son institution dont le directeur, Herr Müller, est prof d’Histoire-Géo et d’Arts plastiques. Après une réflexion critique d'Uli suite à une blague mal placée pendant la récréation, la situation dégénère. Uli se fait insulter par ce prof d'Histoire-Géo et - le pire - se voit expulsée du ciné-club. « Il me disait que faire des films était un travail de groupe et qu'il n'avait pas besoin d'individualistes au "Movie Clan". »
Cette exclusion du ciné-club va encore plus déchaîner Uli dans son envie de faire des films. Sa petite revanche est d’avoir croisé au festival de cinéma de Leipzig un Herr Müller tout déconfit de voir qu’elle portait à son revers un badge « Réalisatrice ».

Plus tard, Uli doit rédiger un mémoire sur les effets de la mondialisation en Equateur, accompagné d’un film. « Pendant 3 semaines j’ai suivi quatre personnes interrogées sur leurs stratégies de survie dans une économie de merde, dans un pays en crise. » Elle est chapeautée par un super prof pour le coup, « Fernando Villavicencio, qui est resté un ami de cœur. »
La jeune prodige obtient son bac avec 18,5/20. « J’étais super forte pour apprendre par cœur et retenir des choses. Le jour de mon bac, j’avais tout le savoir du monde dans la tête et je me suis dit en sortant de la dernière épreuve que jamais plus je ne serai aussi « intelligente ». Pour commencer à oublier tout ce savoir, j’ai sauté dans un avion pour atterrir dans un village hippy sur la côte pacifique équatorienne : Montañita. »

uli

"Utiliser la caméra comme prétexte à aller à la rencontre de l'autre."

 

L’année Canelazo

Uli a 19 ans et prend une année sabbatique pour se découvrir. Elle vit dans une maison avec des jeunes gens, tous artistes d’une manière ou d’une autre. « Des artesanos, fabricants de boucles d’oreille, cracheurs de feu, tu vois l’esprit ? C’était cool et j’ai fait de belles rencontres, mais je devais trouver un moyen de gagner de l’argent, j’étais pas là en vacances mais pour vivre une expérience. »
Une de ses copines se met à faire des tartes aux pommes. Dans la rue, on vend de tout en criant, des bananes, des t-shirts, des empanadas. De là lui vient l’idée du canelazo : un breuvage des Andes, un grog qui se boit chaud en montagne à 4000 mètres d’altitude la nuit par -10° C, à base de cannelle et de punta de caña, l’alcool pur avant le rhum qui en est une version distillée. « 45-65°, ça brûle tout, j’y mettais aussi du citron vert, beaucoup de sucre et des ingrédients secrets ! » Uli balade des plateaux de 15 gobelets de canelazos avec une petite ballade chantée à pleins poumons : « Canelazo, Canelazo, Canelazo ! Rico, calentito ! A solo 50 centavitos el vasito, quièn désea un Canelazo ? » C’est un succès.
« Je suis sûre que le Canelazo aurait pu devenir un empire qui m’aurait rendue riche, sourit Uli, mais je suis retournée en Allemagne, à Postdam, pour me lancer dans une Licence de Sciences des Médias européens, un nom glauque mais des contenus cools, avec la moitié du temps à l’Université, et l’autre moitié en Arts appliqués à un niveau ultra-élevé. »

En vacances en Espagne avec ses frère et sœur équatoriens elle tombe amoureuse d’un… Rochelais. Hé oui, notre Allemande connaît La Rochelle par le cœur depuis bien avant la résidence. Mais à l’époque, Uli et ce chéri sont trop jeunes pour une relation durable, d’autres passions appellent la jeune femme.

uli

Celle-ci part donc en fin de Licence à Istanbul pour s’inscrire en école de cinéma, dans une filière de la très riche Faculté des Arts. « Une année pour faire des films, qui commençaient à porter une vraie signature. » Dans son cursus, pour le projet de fin d’année, ayant le choix entre fiction, documentaire ou autre, Uli décide de s’intéresser à un sujet qui en vaut la peine : Comment l’homosexualité en Turquie est considérée comme une maladie et peut faire réformer de l’obligation de service militaire, tests sordides à l’appui. Rien n’avait jamais encore été fait sur le sujet. La liberté d’expression en Turquie est limitée sachant qu’il est illégal d’exprimer une quelconque critique sur la nation ou l’armée. Lorsqu’Uli présente son idée à l’Université, ses collègues étudiants turcs - plutôt branchés fiction et rêve hollywoodien -réagissent mal. Elle comprend que c’est un bon sujet de long-métrage, mais qu’il sera difficile à traiter.
Elle rentre en Allemagne pour effectuer un stage dans une boîte de production pour ARTE à Berlin et constituer ses fonds et son équipe de projet. Elle trouve l’argent, un caméraman, une monteuse et une vingtaine de personnes en plus pour lancer le projet. Ils iront tourner en deux fois. « Ce tournage figure parmi les moments les plus difficiles de ma vie. Le premier protagoniste s’est finalement désisté. Avec les autres, je n’étais pas certaine d’avoir une matière suffisante. Les rencontres se faisaient en cachette, dans un temps et avec un budget limités. En bref ce film est devenu le truc le plus important de ma vie pendant deux ans. »

De nombreux mois et de sueurs froides plus tard, Çürük - The Pink Report voit le jour et est projeté lors d’une avant-première organisée par Uli le 13 janvier 2011. « Une très bonne soirée. Le monde entier est venu des quatre coins de l’Europe. De là la grande question : comment le film va faire sa vie, quels festivals vont l’accepter ? » Le lendemain, Uli apprend que son film est rejeté au festival de Berlin. L’un des protagonistes turcs du film venu à l’avant-première lui fait passer une soirée à casser des assiettes pour évacuer tout le stress accumulé et le passé. Deux jours plus tard, le 15 janvier 2011, un samedi matin très tôt, Uli met sa vie entière dans son Opel Astra et appareille pour l’île d’Yeu. C'est depuis ce jour qu'elle vit en France.

Un petit jardin…

Quelques temps plus tôt, elle s’était rendu une première fois à Marseille pour une rencontre franco-allemande organisée par Peuples et Culture (éducation populaire en France) et l’OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse) dans le cadre du FID (Festival international du documentaire) et y avait rencontré Frédéric Violeau, de l'association OYA films. En parallèle de la sortie de son film turc, elle avait donc préparé cette résidence sur l’île d’Yeu. 5000 habitants, 500 associations. « L’hiver ils font un million de trucs ! »
Pendant les années 70 et 80 un spectacle amateur avait attiré l’attention : la Revue islaise. Trente ans plus tard, les anciens initiateurs de ce spectacle pensaient se lancer une dernière fois dans l’aventure d’écrire et de mettre en scène une revue, remplie d’effets spéciaux à l’ancienne et de blagues interlopes. L'expérience fut si concluante qu'elle a débouché sur le relancement de la Revue islaise.
Recrutée pour tourner un film sur l’initiative tout en éduquant des collégiens à l’image, Uli a habité l’île au total pendant un an et demi. « Un véritable microcosme, style le film Le Truman Show, j’accompagnais des pépés dans leurs répétitions et leurs séances de bricolage et mes meilleures copines du cercle de retraités au cinéma pour voir des vieux films projetés - encore ! - sur pellicule.» Après toute la pression liée à la vie à Berlin, ralentir, habiter impasse de la Borgne dans une maisonnette baptisée « Le petit jardin », l’impression d’être seule au monde, lui fait énormément de bien. Là encore, il se passe des rencontres incroyables, comme ce Monsieur Popo qu’elle prend en amitié "avec son grand nez, son grand caractère dur comme le vent de l'Atlantique pendant l'hiver, et son grand cœur". Entourée par des gens sympas et dans un cadre de vie plutôt idyllique, Uli re signe quand on lui demande à l’unanimité de prolonger sa résidence.

Parallèlement, son film Çürük - The Pink Report fée sa vie. La première officielle a eu lieu en avril 2012, pile pour ses 25 ans, lors d’une projection pendant laquelle elle sa mère la surprend avec un grand bouquet de 25 roses. Le film va bien tourner pendant trois ans sur quatre continents lors de festivals LGBT (Lesbian, Gay, Bi & Trans) et des droits de l’homme par exemple. Il est aussi projeté en Turquie bien sûr, mais en cachette. On dit à Uli « Merci, ton film m’a aidé » - « un des meilleurs retours possibles qu’on puisse avoir ! »
Çürük sera également utilisé lors d’un procès à Londres, un cas de jurisprudence côté droit d’asile politique qui a obligé sept juges à le regarder avant de prendre une décision. Ce « petit » film n’a pas permis de gagner le procès mais a donné à Uli l'impression d'avoir fée quelque chose qui vaut le coup - et d'avoir gagné au passage ses galons de réalisatrice, de Fée des Films officielle.

Au printemps 2012, elle retourne en Equateur pour un cycle d’ateliers dans dix écoles, puis s’inscrit à Marseille en Master franco-allemand de Médiation Culturelle. Elle réalise alors Trans*Marseille lors d’une visite de l’un des protagonistes de son film turc sur le thème : « Est-ce qu’un touriste transsexuel peut passer un bon week-end à Marseille ? »

Une baguette magique en forme de mallette pédagogique

Depuis, Uli n'arrive plus à quitter la cité phocéenne. Elle rencontre un amoureux et devient belle-mère – entre autres causes qui lui donnent envie de se poser. Même si la suite de son Master se passe à la Sorbonne à Paris, ça lui revient moins cher de faire des allers-retours Paris-Marseille que de vivre dans la capitale. En plus le climat - il faut l'avouer – est quand même plus doux dans le midi et Uli, sur le coup plus équatorienne qu'allemande, ne supporte pas le froid.

A la fin de ses études, elle devient une pionnière de la FilmFabrik, une association d'éducation à l'image avec d’autres spécialistes passionnés de cinéma, un musicien, un technicien du son, une journaliste conceptrice, un comédien…, qui grandit année après année. Depuis trois ans et demi, Uli vit ainsi au rythme des projets pédagogiques des écoles dans les quatre coins des Bouches du Rhône - "Je bosse dans un rayon d'une centaine de bornes, c'est jamais tout droit, et il y a des bouchons !" - ou occasionnellement même à la Rochelle ou ailleurs. C’est beaucoup de travail, quatre mois de préparation des divers appels à projets, et huit mois intenses d’ateliers. « Tellement de projets qui doivent tous avancer en même temps - car pour chaque classe concernée, son film est le plus important ! »
Le bouche-à-oreilles fait son œuvre, d’autant qu’Uli a conçu une mallette pédagogique bien ficelée pour animer ses séances et toujours réaliser un film d’animation au bout avec des moyens inventifs pour que ça tienne debout. Les enfants comprennent direct ce qu’est un film d’animation avec des exemples de petits films bien choisis, et ils vont pouvoir mettre en pratique rapidement ce qu’Uli leur a expliqué. Elle installe ses cinq ordis avec des webcams, des touches bien repérées sur le clavier, et en 5 minutes ils font un tout petit film et ils ont kiffé. Et compris. Et appris. Puis vient le travail d’élaboration et de production d’un film d’animation commun, depuis le scénario au générique en passant par le tournage, sur plusieurs séances.

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A l'école Condorcet de Villeneuve, les enfants râlent quand la sonnerie retentit - hé oui, c'est ça l'ef-fée Uli - et à la séance suivante certains apportent des dessins avec des cœurs à Uli.
A ses côtés quotidiennement en tant que co-résidente, je la vois à l’œuvre, je vois comment elle capte les gens et comprend les enjeux, cerne les envies, les personnalités et les capacités et je voudrais que mon œil soit un stylo, mon cerveau une caméra. La pédagogie et le management dont elle fée preuve sont finalement une forme aboutie de la plus grande humanité.
Via l’association FilmFabrik, Uli gère des services civiques et des stagiaires – il y a tant de choses à faire et à apprendre. Les caméras, la logistique ou encore les rythmes de travail avec les enfants. Mais aussi story-boarder, filmer, monter, fabriquer des yeux et des pieds pour des personnages de film d’animation… Je pense que du temps passé avec elle vaut de l’or professionnellement. « Durant cette résidence j'ai eu la chance d'avoir un super stagiaire, Ritchie. J'ai vite commencé à contacter son école pour voir s'il ne pouvait pas rallonger un peu son stage - il a l’œil ce garçon ! Puis un participant de mon groupe d'atelier vidéo "tout public" a pu se servir de cette expérience pour décrocher un job » raconte Uli, exigeante et pragmatique en « patronne » qui sait apprécier les talents. « Patronne », ou Sainte, ou Bonne Mère… Tout simplement, Fée !

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Photo par Ritchie Roy

*Cette résidence est initiée par Les Escales Documentaires et le Collectif des Associations de Villeneuve-les-Salines et la Mission Art et Culture de la Direction des Services départementaux de l’Education nationale de la Charente-Maritime et reçoit le soutien financier de la DRAC Nouvelle-Aquitaine, du Conseil départemental de la Charente-Maritime et de la Communauté d’agglomération rochelaise.

Après un si long portrait, 4 questions méga courtes :

 

Quel est ton vice ? Parmi quelques autres, jouer au Tetris sur ma vieille game boy.

Tu aimes… ? La Rochelle ! Et le Pineau ! Et le caramel au beurre salé !

Tu n’aimes pas… ? Tous les fruits, même de mer. Et les cons, il y en a un peu trop. Et le bruit du polystyrène.

Si tu avais une baguette magique pour de vrai, tu en ferais quoi ? Je me télé-transporterais dans les quatre coins du monde pour voir mes chers quand bon me semble et je transformerais tous les cons en écureuil fille...


 

uli