Bloguette magique

Publié le : 17/02/2018 à 0h19

La fée une résidence à Villeneuve-les-Salines

Vous savez, la fée pas que la fée. Je suis conceptrice et rédactrice, ce qui m’amène à couvrir toute une variété de sujets et de projets de communication écrite et d’information, dont une résidence de journaliste.


La fée une résidence à Villeneuve-les-Salines

Trois ans que j’habite au Petit Marseille, trois semaines que je vis quasiment à Villeneuve-les-Salines. En tout cas j’y vais tous les jours, et j’aime ça ! L’objectif de la résidence, « mieux se connaître », marche super bien pour moi, je ne peux plus aller au supermarché sans croiser en 10 minutes cinq personnes à qui j’ai déjà parlé.

Trois semaines denses, intenses, je note tout ce qui se passe compulsivement mais pas beaucoup le temps de se poser pour mettre tout ça en ordre. Pourtant, écrire autour de la résidence fait partie du contrat, de la convention qui me lie pendant ces quelques semaines à la Ville de La Rochelle, au Collectif des Assos de Villeneuve-les-Salines, au festival du documentaire de création Escales Documentaires, et qui inclut le concours de la DRAC, de la résidence Horizon Habitat Jeunes, de l’école Condorcet et du Collège Fabre d’Eglantine.

Voilà, les partenaires sont cités, et je les remercie du fond du cœur, même si je sais d’ores-et-déjà qu’au final j’aurai explosé le nombre d’heures imparties au compteur. Ce sont eux qui ont voulu et qui financent cette résidence de journalistes dans le quartier de Villeneuve-les-Salines. On parle d’ailleurs plus souvent de résidence d’artiste, mais l’idée c’est de vivre dans le quartier en question et, pour vous la faire courte, de remplir des missions de partage de savoir-faire et de donner à voir et à lire Villeneuve-les-Salines dans l’objectif, je le répète pour ceux qui auraient sauté une ligne, de « mieux se connaître ».

Mission acceptée

Nous sommes deux intervenantes, votre serviteuse côté rédaction, alias « Eli » et une réalisatrice côté audiovisuel, Ulrike Böhnisch, dite « Uli ». L’une habite au Petit Marseille, et l’autre en temps normal à Marseille - marrant non comme coïncidence ? Nous travaillons en binôme, et chacune est chargée de former les habitants aux techniques de journalisme écrit et de réalisation de films. De mon côté, il s’agit notamment de donner un coup d’aile (de fée) au plus ancien journal de quartier de France, Villeneuve Info, qui « fait sa crise de la quarantaine » comme le dit Laurent Lhériau, le coordinateur du Collectif des Assos. L’objectif est de lui rendre sa fonction première, « un outil fait par les habitants pour les habitants », en rendant la pêche aux infos moins hasardeuse et l’organisation du travail plus méthodique et plus fluide pour les bénévoles qui lui prêtent leur plume et leur temps.

Je travaille aussi avec une classe de 6ème du Collège Fabre d’Eglantine qui va écrire des articles pour une édition spéciale du Villeneuve Info en mai, et j’interviens avec Uli sur la facette écriture de ce qu’elle produit. De son côté, elle me filme en train de faire tout ça (oui argh, mais on s’y fée), elle organise des ateliers vidéo pour les habitants, elle apprend à des CM1 à réaliser un film d’animation, et elle se rend disponible pour donner des conseils pour tout projet de réalisation. Et cet été elle va passer des heures et des heures à monter tous ces petits bouts de vie filmée pour en faire un film que vous pourrez voir pendant le prochain festival des Escales documentaires. Classe hein. Mais on n’y est pas encore.

Uli est arrivée le soir de la Nuit de la Lecture à la médiathèque de Villeneuve. Nous nous étions rencontrées en novembre dernier pendant trois jours de réunions variées. Après déjà de nombreuses heures passées au téléphone, on avait accroché direct. Uli est allemande mais étonnamment latine, c’est une fée certifiée magique, vous pouvez lire son long portrait ici.

Mais si vous le permettez – et d’ailleurs même si vous ne le permettez pas, c’est mon blog je fée c’que j’veux !, je vais parler de mes petits états d’âme tout au long de cette résidence. Le thème « mieux se connaître », c’est mieux se connaître les uns les autres, bien sûr, à travers les médias de proximité. Mais je le prends également dans son côté introspectif. Mieux se connaître soi-même, ça vaut pour moi et j’espère que cette résidence aura aussi un peu cet effet-là sur les autres.

Sur le terrain

Travailler avec « des publics », c’est assez nouveau pour moi. Conceptrice-rédactrice de métier, la plupart du temps, mes interlocuteurs sont des clients. Côté journalisme, je sais chercher l’information, aller à la rencontre de mon sujet, et en parler. Mais lorsqu’il s’agit de formaliser une méthode de travail, c’est encore une autre dimension. Et la partager avec des gens qui doivent ressortir de nos séances en ayant le sentiment d’avoir gagné une valeur ajoutée, c’est un vrai défi. Je ne vous raconte pas les heures carrées que je passe en préparation. Un gros travail intellectuel et beaucoup de prise émotionnelle. Car le matériau ici est humain. Donc, non, les heures, on ne peut pas vraiment les compter. Comme Uli, qui dans son cahier des charges intervient dans une école du quartier, et qui juste parce qu’elle habite un logement de fonction à côté d’une autre école, propose d’elle-même de donner une demi-douzaine d’heures pas prévues, sans quoi elle trouverait bizarre de vivre près de ces enfants sans les rencontrer. Ça s’est passé le mardi, c’était en ligne sur son site dès le mercredi. L’efficacité allemande quoi.

filmfabrik

Avec les élèves de CM1 de Nicolas Naveau à l’école Condorcet, l’accompagnement est hebdomadaire, à raison de deux fois par semaine. Lors de la première rencontre, voir tous ces gamins se lever et, droits comme des i, dire Guten tag (bonjour en allemand) à Uli m’a émue presque aux larmes (sensible petite fée que je suis). Puis constater leur intérêt pour tout ce qu’Uli leur montre, des exemples de films animés, le principe de l’animation avec le Thaumatrope (bim un nouveau mot : jouet optique qui exploite le phénomène de la persistance rétinienne), leur plaisir à manipuler et à créer un mini-film en 5 minutes, le fait que lorsque la sonnerie retentit, ils râlent parce que pour une fois la classe se finit trop tôt, hé bien tout ça m’a fée totalement oublier la grisaille glaçante de fin janvier. La « mallette pédagogique » d’Uli est pleine de trésors. Grâce à elle, des enfants de 9 ans sont capables de créer un film d’animation de A à Z : écriture du scénario, création des personnages, travail sur les expressions du visage, repérage, tournage, puis sonorisation.

Avant d’organiser des ateliers plusieurs fois par semaine au Comptoir des associations de Villeneuve, nous avons dû recruter nos participants. Nous voici donc au marché du mercredi matin avenue du 14 juillet, avec nos petits flyers pour prévenir la populace de ce qui se passe. Le lendemain lors de notre réunion d’information, nous avions une quinzaine de participants. Honorable. Mais ce que je subodorais se confirme : les candidats à la vidéo sont bien plus nombreux que les potentiels rédacteurs. Rien de grave, car le comité de rédaction est déjà bien étoffé, et je salue au passage leur implication et leur assiduité. Mais l’idée est de donner un peu d’air avec de nouvelles plumes et de nouvelles habitudes de collaboration. Pas de révolution, en l’état il est vraiment pas mal ce petit journal, mais une évolution. Il s’agit de partager quelques techniques pour transmettre et raconter l’information avec des gens dont ce n’est pas le métier, et de donner envie de s’engager aux quatre nouvelles recrues motivées pour faire du journalisme de quartier.

Conférence de rédaction XL

Au collège Fabre d’Eglantine en tout cas, j’ai une classe de 6ème rien que pour moi, une armée de 26 petits journalistes en herbe qui vont devoir produire des articles pour l’édition spéciale du Villeneuve Info à paraître en mai 2018, toujours pour célébrer le quarantenaire du journal. Vous imaginez la conférence de rédaction de folie ? Ce qui me frappe et m’émeut, c’est leur envie. Mon « cours » sur la presse magazine, avec une quinzaine de titres en exemple à l’appui - un bisou de remerciement à la médiathèque la plus chouette de l’univers qui me les a prêtés -, ça va bien 20 minutes. Les petits sont au taquet pour se lancer. Ils fourmillent d’idées de sujets.

J’essaie de les mettre dans la peau d’enquêteurs dès le début de la démarche. Je voudrais qu’ils trouvent par eux-mêmes les ressources documentaires et identifient les « personnes sources » qu’ils doivent appeler pour demander à les rencontrer. Je leur prépare un petit texte de présentation à adapter selon leur interlocuteur, je leur donne quelques consignes – souriez au téléphone, articulez, faites répéter, n’oubliez pas d’avoir de quoi noter. On n’imagine pas à quel point passer un coup de fil « professionnel » simplement pour convenir d’un rendez-vous peut sembler difficile à 11 ans. Situation de stress. Ils se renvoient la balle « c’est toi qui appelle, nan c’est toi », ils répètent leur introduction, ils respirent, ils se lancent. Quelle victoire quand ils ont obtenu leur rendez-vous ! Leur mine, soulagée, fière, ça paye ! Et quand ils me disent « Madame, ça me plaît de travailler sur le journal ! », c’est comme s’ils défroissaient mes ailes de fée !

Au prochain épisode, la fée vous parlera de belles surprises humaines… aussi avec les adultes ! Les gens de Villeneuve-les-Salines, c’est du sucre…