La Conso-lidaire

Des initiatives qui combinent tout simplement bon sens et bon goût...

photoS DR
TEXTE ELISABETh Schwartz

Parfois, certains sujets d’articles font qu’on se régale à les écrire. En l’occurrence, s’intéresser à ceux qui pensent à nous faire consommer autrement, en y mettant un peu plus de sens et de lien, nourrit d’idées claires et neuves, et nourrit tout court. Rencontres avec des passionnés autour du bon - bon sens et bon goût - et autant de moments d’humanité partagés !

Initiative Catering, IC 1

(vous comprendrez ce titre quand vous serez arrivés au bout de l’article)

« C’est chouette votre truc ! »
dit-on régulièrement à Camille Ruiz et Isabelle Mabille, les deux créatrices du projet. « Votre truc », c’est plus de trois ans d’un boulot de longue haleine avec une ligne directrice : un engagement responsable pour la solidarité, la santé, la culture et le développement durable à travers la cuisine et plus largement l’alimentation. Et si le bureau d’IC, « une pièce avec nos ordis, et une armoire pleine de classeurs et de recettes » comme le décrit Camille, est implanté à La Pallice, l’idée c’est l’itinérance. Le logo de l’association, un point levé qui tient une fourchette de légumes, donne le ton. En militantes prosélytes du « bien manger », Camille et Isabelle sillonnent le Poitou-Charentes pour essaimer le goût de la simplicité à travers des événements, des animations et des ateliers montés en partenariat avec d’autres structures associatives, des institutions et des collectivités. « On investit les espaces que l’on met à notre disposition, et on cuisine sur place, explique Camille. L’esprit tambouille d’une cuisine familiale est assumé, on n’est pas dans la gastronomie. » Le fil des deux filles, c’est l’équilibre alimentaire, en commençant par éduquer à une autre manière de faire ses courses, par exemple en achetant des produits de saison, en faisant attention à privilégier les fruits et légumes, en regardant les prix et en limitant le gaspillage. « Nous tenons compte aussi des végétariens, des régimes sans gluten ou sans porc, des allergies… Le principe est de n’exclure personne » souligne Isabelle.

Autre volet de leurs occupations, de délicieuses conserves fabriquées en Deux-Sèvres. Camille et Isabelle louent l’espace mutualisé de la conserverie de Coulon pour élaborer les « tartinades », savoureux mélanges de légumes à tartiner, qu’elles utilisent notamment pour leur activité traiteur. La rédaction de ces lignes se fée en mangeant quasiment à la cuillère tellement c’est bon un petit pot « courgettes massala ». Si ça vous fée envie, sachez que vous pouvez trouver les « tartinades » d’IC prochainement dans les produits proposés par La Ruche qui dit oui (voir plus bas).

Du goût, et des gens.

Lauréate 2014 du concours « Talents des Cités », qui récompense chaque année 40 entrepreneurs des quartiers, Initiative Catering fait des émules. Même si parfois les gens n’imaginent pas le travail qu’il peut y avoir derrière. « Parce qu’on a de plus en plus de visibilité, on nous prend pour une multinationale ! » s’amuse Camille.

Pourtant, les moyens d’IC sont plus humains que financiers. Adhérer à l’association coûte 5 euros à l’année, et demande juste un tout petit peu de temps et d’implication. Par exemple, en venant partager ses recettes, éplucher des légumes ou faire les courses au supermarché à côté lors d’un déjeuner partagé à La Passerelle, à Mireuil. Pas obligé d’être un cordon bleu, on peut juste regarder et apprendre des p’tits trucs et surtout, passer un bon moment. « Notre démarche va bien au-delà de faire la popote et de se retrouver, précise Camille. Initiative Catering, c’est une philosophie et la création d’un réseau, d’un maillage social pour accompagner les gens dans tous les aspects de l’alimentation. »

Rougaille saucisse lentille

Invitée à l’un de ces déjeuners, la fée s’est délectée d’un rougail de saucisses et de clémentines au four sur sablé, tout en discutant avec des personnes inconnues 5 minutes avant, la bouche pleine évidemment !

www.initiative-catering.fr

Planète Sésame, l’insertion des femmes par leur savoir-faire.

Sésame, comme la graine si goûteuse, et comme l’accès à... Accès à une vie professionnelle, et bien plus, pour des femmes d’origine étrangère. Créée en 2007 par Soraya Ammouche, Planète Sésame appartient depuis le 1er mai 2014 à l’Escale, association pour l’hébergement et l’insertion sociale qui intervient aujourd’hui également dans les services à la personne et l’insertion par l’activité économique.

Car c’est bien d’une grande belle entreprise qu’on vous parle ici, un chantier d’insertion. Le but est de trouver un emploi après le passage par Planète Sésame, mais le fait d’y travailler ouvre déjà ces femmes à l’émancipation. Comme Asmaa, recrutée fin décembre, 38 ans, n’ayant jamais travaillé, arrivée toute timide, et qui un mois après affiche un sourire qui en dit long sur ce qu’elle en retire. Claude, le chef cuisinier, seul homme sur la planète Sésame, et Frédérique, chargée du développement, abordent d’entrée les questions liées à l’intégration : « Il y a eu un gros travail pour lui faire enlever le voile. » Le voilà troqué contre une charlotte, au nom de la laïcité et de l’hygiène culinaire. Et si les cinq cuisinières ne maîtrisent pas complètement le Français, la discussion est un point fondamental du fonctionnement. « La pause, tous tassés dans le petit bureau, est un moment sacré, prévient Frédérique. On parle de tout, on échange nos points de vue. Bien sûr, nous avons parlé des attentats de début janvier… Elles étaient consternées. »

La grande cuisine toute neuve où je rencontre les femmes à l’œuvre est nickel. Consignes sanitaires sur les murs, bons de commande affichés sur le frigo, voyons voir… Roulés aux légumes, chausson au fromage, verrines trois saveurs, briwat, fourrés aux amandes… Miam !

Planète sésame

Les présentations sont faites, que des sourires : la Turque Fatma, l’Arménienne Mariam, My Anh la Vietnamienne sont des anciennes de Planète Sésame ; Madina la Soudanaise et Asmaa la Marocaine viennent d’être recrutées. Pour leur savoir-faire. « Elles réalisent des plats fabuleux, avec une envie de bien faire qui est touchante », s’enthousiasme Claude, qui les accompagne sur les processus de qualité et de traçabilité. Leurs parcours sont divers, comme celui de Mariam, qui a été maîtresse d’école pendant 20 ans en Arménie, et utiles, tel l’équivalent d’un Bac + 4 en nutrition pour Madina. « ‘Businessement’ parlant, une super valeur ajoutée » se réjouit Frédérique, qui fait tourner la boutique !

Comme une famille.

Car oui, il faut trouver des clients et des marchés pour les prestations proposées. Plateaux-repas, buffets, cocktails, fabrication, livraison, installation, service : l’offre de prestations est complète. Et le répondant, plutôt bon, du côté des associations et des administrations. Mais les particuliers peuvent aussi en profiter, comment passer à côté du couscous du vendredi à 10 € ? Très prochainement, une boutique va ouvrir à Villeneuve-les-Salines, où sont situés les locaux de Planète Sésame, et Frédérique l’espère, « une autre au printemps en centre-ville ». Actualité à suivre sur la page facebook.

Pour l’approvisionnement, Claude et Frédérique vont faire les courses au supermarché à deux pas, « où l’on trouve du fromage turc et de la pâte de dattes ». Mais un partenariat est en cours avec un chantier d’insertion de Rochefort, nommé VIVACE, pour les herbes aromatiques.

A propos d’arôme, c’est l’heure de la pause, et en effet, on s’attable serrés dans 9 mètres carrés autour d’un pain fée maison et d’un thé à la menthe. Asmaa, Madina, My Anh, Fatma et Mariam sont contentes. Ca se voit, ça se sent. Le fait de sortir de la maison pour venir là, avoir un revenu, acquérir une expérience et le sens de l’autonomie et de la responsabilité, être accompagnées sur la voie d’un métier et soutenues jusque dans leurs démarches administratives par Claude et Frédérique. Pouvoir débattre en toute liberté autour de la nourriture et des différences culturelles. Apprendre, se comprendre. On a trouvé l’osmose, c’est sur Planète Sésame. Et c’est tout proche de nous.

 

La Ruche qui dit oui, un grand yes !

Si vous voyez une mère de famille entrer dans un bar avec ses enfants à l’heure de l’apéro, ne la jugez pas mal. Elle va peut-être juste faire ses courses !

Gros coup de cœur et de cerveau pour ce concept, mis en pratique à l’Aiôn aux Minimes, et au Vinophone rue Saint-Jean du Pérot. Comment ne pas adhérer, c’est si simple et pratique : on s’inscrit sur le site de La Ruche, on choisit le bar où l’on a décidé de venir chercher les produits commandés, on fait ses courses dans son fauteuil parmi les offres de producteurs du coin, on paye en ligne, le mercredi d’après on va  chercher ses petites courses et en option on boit un coup avec les producteurs présents. Chaque semaine, ces derniers se relaient pour livrer, ce qui permet de charger un seul camion avec tous les produits, plutôt que 5 camions différents.

Ce soir-là, la fée a rencontré Jérôme, maraîcher à Saint-Christophe, qui cultive « au naturel », avec des purins et des infusions de rhubarbe pour tuer les vers du poireau – « la même méthode qu’avant l’agrochimie en fait ! ». Un passionné qui se lève en même temps que le jour et finit de travailler au coucher du soleil. La commercialisation de ses produits via un réseau de clientèle qui fait partie des nouveaux « consomm’acteurs » est un gros avantage de La Ruche selon Christophe qui constate avec plaisir que les jeunes adhèrent au concept et « tapent dans le goût ». Même passion et satisfaction pour Corinne, productrice d’œufs en Vendée : « Vendre à La Ruche, c’est toucher des gens sensibilisés aux méthodes de production respectueuses. » Encourageons ces initiatives, qui remettent au goût du jour des méthodologies antiques éprouvées, comme nourrir les gambas dans les claires où sont élevées les huîtres, une évidence pour Jacques et Juliana, ostréiculteurs à Marennes.

« Savoir d’où vient ce qu’on mange et ce qu’on boit, ça semble logique » explique François-Cyril, l’un des gérants du Vinophone, où l’on boit des vins issus pour 95% du bio, et pour 5% de l’agriculture raisonnée. Celui qui assume totalement l’appellation « bobo » - « si ça signifie avoir un certain degré d’exigence » - est allé voir tous les producteurs de La Ruche qui dit oui, situés dans un rayon de 40 km de La Rochelle. Pas d’intérêt lucratif pour le Vinophone, c'est la Ruche qui prend juste 8% de com’. Certes, l’opération ramène du monde au bar, mais c’est le sentiment d’être en accord avec ses valeurs qui prime.

Le panier de la fée :

Alors voilà, pour 17 euros (commissions au Vino et au site incluses), la fée a ramené dans son cabas :

  • des carottes délicieusement sucrées,
  • des petits kiwis tout mimis,
  • un brocoli bien vert,
  • un kilo de pommes de terre
  • un fromage de chèvre bien sec comme on les aime, une pigouille de fabrication fermière dans le marais poitevin,
  • un mini pot de Nutellette, une tuerie de pâte à tartiner engloutie en 3 coups de cuillère à café,
  • et même un savon orange-cannelle from Vendée !

Incroyables comestibles, IC 2 !

Ils ont les même initiales, mais ne les confondez pas ! Cet IC-là, à ne pas confondre avec « Initiative Catering » (voir plus haut), signifie « Incroyables Comestibles ». Une association ? Non. Plutôt une communauté internationale dont l’idée ressemble à une utopie en train de se réaliser : semer des légumes dans les espaces publics et inviter les habitants à les partager gratuitement. Vous avez peut-être vu des jardinières en ville, avec un petit écriteau : « Servez-vous ». Comme vous, ça a intrigué la fée qui a contacté le référent du mouvement à La Rochelle, Matthieu Vigerie. Bing, encore un passionné ! « Je fais partie des fondateurs d’un petit groupe moteur, et comme je suis bavard, c’est moi qui suis chargé de communiquer ! ». Récit d’un enchaînement de circonstances favorisantes.


L'équipe de IC

Tout a donc commencé en mai 2012, lors d’un forum organisé par le collectif “Ville et Territoire en transition”, dans le cadre duquel la population était invitée à réfléchir et s’exprimer sur le thème « Comment améliorer le quotidien dans nos villes ? ». Les participants présents veulent réellement mener des actions qui leur tiennent à coeur, en s’investissant concrètement. Sur le sujet « IC et jardins partagés », un petit groupe se forme. Matthieu s’auto-forme au jardinage et à la culture. Emilie, quant à elle, habite une résidence à Aytré où un petit espace vert de 25 m2 est abandonné aux mégots et aux crottes. Le groupe va le nettoyer, le rehausser, apporter du fumier et de la terre végétale. Le voisinage est intéressé, les gens se mettent aux fenêtres, descendent voir de plus près. Une mamie propose de leur prêter les outils de son mari décédé. Des résidents donnent un coup de main, font participer leurs enfants… Résultat : les 25 m2 sont plantés de légumes et de fruits, de plantes aromatiques et médicinales… La transformation est une réussite, y compris au niveau du lien social.

Partageons l’abondance.

La copropriété de la résidence est super contente et voudrait bien que l’opération soit renouvelée pour trois autres carrés délaissés. C’est l’occasion de préciser la ligne de conduite des IC : « On ne fait pas à la place des autres. Notre groupe est là pour communiquer sur le mouvement, accompagner ceux qui veulent participer, en leur fournissant des jardinières par exemple. » Ce qui fait déjà du pain sur la planche. Un atelier de démontage de palettes pour créer des bacs est mis en place. « On n’est pas menuisier, mais on essaie. » Sauf que cela se fait en extérieur, et qu’il pleut à chaque fois. Le découragement, pas le genre d’IC. Une réunion publique est organisée chez Etienne (encore lui !), à La Petite Marche. Enthousiasme général. Quelqu’un propose un hangar, un autre un camion… Par ailleurs, IC trouve le moyen de récupérer 600 kilos de chutes de bois de bardage non traité, parfait pour fabriquer des jardinières sans plus avoir à démonter des palettes ! Une cinquantaine de jardinières sont conçues dans les 15 jours et proposées à la distribution au cours d’une journée Colibri le 4 mai 2013. Gros succès, les gens emportent des jardinières, et les IC font même l’objet d’un article dans le magazine national Causette : « Peas and love ».

Une convention est passée avec la Ville de La Rochelle, mais le mouvement reste citoyen, voire un peu pirate. Bon, s’agit pas de planter de la beuh, il y a des règles élémentaires de bon sens et de civisme à respecter, mais chacun peut prendre la responsabilité d’un espace public (public par définition). Des contacts ont été établis avec les Serres de La Rochelle, qui peuvent vous fournir en terre pour remplir une jardinière destinée aux IC. « Chaque jardinière a sa petite histoire », témoigne Matthieu. Ce qui est sûr au niveau global, c’est que l’émergence des IC a donné lieu à de nouvelles lectures de la ville pour un avenir meilleur. Peut-être que, sans être au point d’Albi qui s’est engagée à devenir une ville autonome d’ici 2020, bientôt un label « Ville IC » sera créé ? La Rochelle, on est incroyables ou pas ?

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